A Orientation Durable, nous sommes (très) régulièrement sollicité.es par des profils en début de carrière. Par les temps qui courent, c’est finalement assez logique, voir salutaire, que de nombreux jeunes diplômé.es ou en début de parcours décident de mettre leurs talents au service de projets visant à transformer ou soulager la société. Ces junior.es suivent nos conférences métiers, sollicitent des conseils sur LinkedIn, candidatent sur nos offres, se plaignent parfois qu’on n’a pas de postes pour eux (ce qui n’est d’ailleurs pas si vrai … nous travaillons régulièrement sur des postes accessibles à partir de deux ans d’expérience).
La volonté de choisir un poste avec plus de sens nous semblant fort honorable, nous avons pris le clavier en cette fin d’année confinée, pour leur consacrer un petit billet :
Quels conseils pouvons-nous, modestement, donner aux profils juniors qui veulent intégrer l’ESS au sens large ou dit autrement, qui veulent trouver un job avec du sens ?
Où je peux trouver les offres avec du sens ?
On nous demande très souvent quels sont les sites pertinents pour identifier les annonces des acteurs de l’intérêt général … Question plus complexe qu’il n’y parait …
Alors tout en gardant bien en tête que cette liste n’est pas exhaustive, que nombre d’acteurs ne publient que sur leur propre site, on peut tout de même vous donner un coup de pouce avec quelques adresses, globalement centrales pour les acteurs de l’intérêt général.
- Fuyons la Défense : ici
- Make Sense : ici
- Udess : ici
- Auberge de la Solidarité : s’abonner à la newsletter
- Coordination Sud (plutôt ONG et humanitaire) : ici
- How I met your Planet (développement durable, transition écologique) : ici
- REFEDD (développement durable et transition) : ici
- Réseau Tee (environnement) : ici
Consulter ces sites, et d’autres, vous aidera à construire des projets …
En terme d’organisation, on conseille Indeed, méta moteur de recherche qui permet d’aller chercher un peu partout. Une alerte mail par famille de l’ESS et poste visé vous permettra de recevoir et de trier chaque semaine les offres pertinentes.
N’hésitez pas à chaque sélection à séparer celles auxquelles vous allez postuler « au cas où » et celles qui seront votre priorité, sur lesquelles passer plus de temps. Un bon moyen de marier objectifs quanti (envoyer assez de candidatures) et quali (personnaliser suffisamment ses lettres ou mails de motivation).
Pourquoi (et comment) avoir un projet précis ?
On peut légitimement s’interroger, compte tenu de la complexité du marché du travail et des discours autour des nécessaires mobilités professionnelles à venir, de la pertinence d’avoir un projet professionnel construit…
A OD, nous continuons de penser, pragmatiquement, que pour qu’une rencontre professionnelle entre un employeur et un potentiel nouveau collaborateur soit intéressante du point de vue des deux interlocuteurs, il vaut mieux qu’il y ait concordance en termes d’adéquation métier, de vision éthique et de conception du quotidien de travail … Pour cela, il vaut mieux que cette rencontre s’inscrive dans un projet …
Pour construire des projets professionnels (on est bien d’accord qu’il est souhaitable d’en avoir plusieurs en parallèle quand on ne connait pas vraiment la réalité de la vie professionnelle, ni le degré de réalisme de ces projets), on vous conseille une démarche de réflexion qui vous prendra un peu de temps de préparation mais qui guidera efficacement l’ensemble de vos démarches à suivre :
Etudiez le marché de l’emploi
Ça peut paraitre compliqué si on ne vient pas de filières ni commerciale ni marketing ou éco, mais on parle de regarder des sites et offres d’emploi pour comprendre ce qui s’en dégage.
Etudier le marché revient à analyser et comprendre les métiers qui pourraient vous intéresser et les cultures de travail dans lesquelles s’exercent ces métiers.
En début de parcours, quand ces sujets sont flous, il peut être facilitant de partir des secteurs qui vous intéressent dans l’intérêt général (ex : les structures travaillant à la promotion de la jeunesse, ou les acteurs de la lutte contre le VIH …) et d’identifier quels sont les métiers pratiqués dans ces secteurs. « Penser métier » vous aidera beaucoup à structurer vos démarches car souvent, le métier éclaire de nombreux aspects connexes.
En complément de l’identification des métiers, nous vous conseillons fort de tenter d’identifier les cultures de travail dans lesquelles s’exercent le métier. Les cultures internes chez les acteurs de l’intérêt général sont particulièrement fortes. Vous renseigner en amont pourrait vous éviter de découvrir trop tard, par exemple, que chez tel employeur, le port de la veste est implicitement obligatoire … alors que vous êtes plutôt t-shirt non repassé… (ou le contraire d’ailleurs, personne ne vous juge).
Prenez le temps de vous auto-analyser
En parallèle de ce travail « métier », interrogez-vous sur ce que vous proposez à un employeur. 3 questions pour répondre à ce sujet potentiellement un peu angoissant :
- Où sont mes potentiels et mes compétences [oui, à 24 ans, on a plus de potentiels que de compétences, et c’est d’ailleurs ça qui peut intéresser un employeur, moyennant le fait qu’il les identifie vite]
- Comment nommer mes motivations profondes pour aller vers ce type de métier et/ou sujet ? Pour cela vous pouvez, partant du principe que le travail fait partie intégrante de la vie, vous demander ce qui vous amuse, vous rend heureux, dans vos études et vos activités, et tirer le fil…
- Qu’est-ce que je ne peux pas faire : une piste là-dessus peut être tout bêtement d’analyser les moments en stage, job, études que vous n’avez pas aimés ou les projets que vous n’avez pu conclure [chacun a des contraintes qui lui sont propres mais réelles, certaines situations économiques rendent impossibles un projet de volontariat au Pérou par exemple …]
Et trouver la correspondance entre les deux
La confrontation entre les réalités des marchés du travail ESS qui vous intéressent et ce que vous proposez, au sens large du terme doit vous permettre d’arriver à une ou des synthèses du type :
Je recherche « tel type de métier – chez tel type d’employeur – en lien avec telle thématique ».
Ce travail préparatoire vous permettra de cibler vos recherches et de pouvoir être percutant dans l’expression de ce que vous proposez et recherchez ; il vous permettra de sortir de la peau du candidat « random » dont on détecte quand même assez vite qu’il candidate ici … comme ailleurs …
Par exemple : Agnes, qu’on a croisée il y a deux ans, avait identifié, dans son auto diagnostic des compétences réelles d’analyse et de synthèses, un socle de connaissance des circuits de décision politique issu de son cursus sciences po, un fort engagement sur les causes environnementales et une croyance dans le changement par l’évolution des cadres sociétaux. Suite à l’analyse des segments métiers, elle a abouti à la formulation d’un projet professionnel de chargée de plaidoyer au sein de grandes ONG œuvrant sur des causes environnementales.
Comment être à proximité de l’emploi ?
Peut-être que l’on vous a bassiné avec le « réseau », sans jamais vous expliquer ce que c’est, à quoi cela sert et comment le constituer…
Force est de constater que dans l’intérêt général, être à proximité des emplois qui vous intéressent est souvent bénéfique.
En y réfléchissant 5 minutes, c’est assez logique. Aller se renseigner dans des salons spécialisés sur tel métier, être bénévole régulier et investi dans une association qui correspond à vos projets, rencontrer des professionnels actifs sur des postes pour mieux comprendre leurs activités et leur environnement de travail sont des démarches bénéfiques à plusieurs titres :
- Tout d’abord, elles renforcent la maturité de vos projets : votre vision de la réalité des métiers, des cultures de structure (on le répète, souvent très marquées dans l’ESS), des rapports entre les individus au travail (là encore souvent particuliers et singuliers dans certaines familles ESS) s’en trouve renforcée, et par la même, votre positionnement, votre discours, votre énergie sont plus alignées, cohérentes, percutantes, lors de vos candidatures.
Ce type de démarches peut par ailleurs vous donner en amont, de l’information sur des perspectives de postes à venir.
- Du côté « employeur », ces démarches (si elles sont habilement menées bien sûr …) peuvent vous faire « exister » dans un environnement professionnel qui, à un moment donné, peut être amené à recruter.
Bien sûr, il faut rester prudent et modeste car il est très rare qu’un poste ne soit pas ouvert au recrutement, sous prétexte qu’on dispose d’un super bénévole en proximité ou qu’on a rencontré il y a peu quelqu’un qui pourrait avoir le profil… mais au global, vous rapprocher des types de métiers et d’environnement que vous recherchez est une démarche qui peut vous différencier positivement.
Par exemple : Armand, issu d’un cursus Com’ au CELSA avait du mal à savoir s’il se plairait sur des postes de chargé de mobilisation citoyenne ; sur des conseils bien avisés, il a pris deux heures de son temps pour proposer, via une quinzaine de messages intelligents sur LinkedIn, des échanges autour de leur métier à de jeunes chargé.es de mob’. 4 entretiens plus tard, Armand avait des éléments tangibles issus d’expériences diverses pour conclure que son moteur profond (la technicité de certains métiers de la com) ne serait pas satisfait sur ce type de poste. Certes l’expérience n’est pas concluante à court terme, mais elle permet d’avancer dans la recherche de ce qui nous plait fondamentalement.
Comment être prêts ?
Si ce n’est pas clair, alors clarifions tout de suite : Vous n’êtes pas précisément la première ou le premier à vous dire TIENS JE VOUDRAIS BIEN UN METIER AVEC DU SENS, et le recrutement dans les secteurs ESS, intérêt général est TRES sérieux et TRES concurrentiel.
Vous serez confronté.es à des process qui n’ont souvent rien à envier à ceux du “business”, avec des nombres de candidats souvent très importants, qui donnent au recruteur le luxe de vraiment choisir…
Cela étant posé, vous avez le droit de ne pas être retenu.e, mais vous n’avez pas le droit d’être surpris.e durant un process de recrutement !
Avant de vous lancer, vous avez nécessairement :
- réalisé un travail d’auto-évaluation en fonction du poste visé (qu’est-ce qui acquis, en cours d’acquisition et qui reste à acquérir), tant sur les questions de compétences, que de maitrise thématique ou d’adaptation à l’environnement de travail particulier
- identifié les clés d’identité de votre cible (sujets travaillés, portage politique, ou non des causes défendues, mode de financement intégrant, ou non, des subventions, des fonds d’entreprise…)
- construit un CV qui dit qui vous êtes en 5 secondes de lecture (vraiment)
- rédigé une lettre qui exprime CE QUI VOUS FAIT CANDIDATER (pas ce que vous savez faire ou ce que vous faites hein … ça c’est dans le CV …)
Un point important : l’ESS est globalement ouvert aux méthodes d’apprentissages variées ; on se fiche plus de “où vous avez appris à faire telle ou telle chose” que dans d’autres environnements. Pensez donc à travailler sur l’ensemble de votre vécu quand vous travaillez à l’identification de votre “panier de compétences”, y compris les voyages, expériences bénévoles, apprentissages de la vie personnelle…
Par exemple : Julien, dont on a croisé la candidature l’an dernier, avait été impliqué dans une association étudiante dans son université. Il avait eu l’intelligence de souligner vite fait mais bien fait dans sa lettre de motivation que ça lui avait apporté une « culture de la décision entre bénévoles » le genre de choses qu’on recroise bah dans à peu près toute association loi 1901.
Comment définir ses conditions ?
Quand on parle de 6 à 24 mois pour trouver son premier job dans l’ESS, on en voit déjà avec des sueurs froides le long de la colonne vertébrale…
La situation de chacun.e est particulière et certain.es n’ont pas le temps ni les moyens d’attendre. Ils doivent bosser et vite. Peut alors se poser la question d’accepter des jobs a priori en dessous de ce que que vous vous êtes préparé.es à faire…
Et là surgit le dilemme « véritable investissement pour l’avenir VS choix orientant votre début de parcours à la baisse ».
D’expérience, notre point de vue est le suivant : on peut très bien commencer un parcours dans l’ESS avec poste moins ambitieux que ses projets initiaux SI ET SEULEMENT SI (comme disait M. Boymara le prof de Maths de seconde), ce poste nourrit votre projet futur !
Pour être clair, si votre projet global est de piloter des projets sur le champ de l’aide aux migrants, prendre un poste d’assistant projet dans une grosse ONG ou un poste mal payé dans une petite association qui vous permettra toutefois de vous développer sur de nombreux aspects métiers peut être un vrai investissement pour l’avenir. Au contraire, prendre un poste de travailleur social de terrain ou d’assistanat administratif ne renforcera pas votre profil au regard de votre projet et rendra l’atteinte de votre projet initial peut être encore plus difficile …
Ce qui compte, c’est d’aimer ce que vous allez faire de vos journées ; le reste, MÊME LE SENS vient après
Conclusion : O.K. pour le pragmatisme et la modestie en début de carrière, mais sans jamais lâcher la cohérence d’ensemble !
Comment rester serein ?
Trouver son premier ou second job dans l’ESS peut être chose ardue et donc longue… Un des enjeux est donc d’arriver à rester serein.e. Pour cela, plusieurs remèdes !
Tout d’abord, accepter le fait que les “rythmes” de recherche d’emploi sont propres à chacun, en fonction de son tempérament, de sa formation initiale, de sa capacité à agir et réagir…
Pour certains cela prend 6 mois, pour d’autres 2 ans … et ça n’est pas “grave” (bien sûr, les situations sociales et économiques de chacun font qu’on peut ou pas se permettre d’attendre) si cela se conclue positivement par l’obtention du poste qui vous convient, dans un environnement qui vous permettra de vous développer…
Pour vivre cette période le mieux possible, soyez entouré.es (par des anciens camarades de promo, d’anciens formateurs investis et bienveillants …), ne marronez pas seul.es dans votre coin, nourrissez-vous des expériences et énergies d’autres, partagez vos réussites ou échecs, essayez de les analyser avec d’autres, sans vous enfermer dans votre vision des choses, qui peut, c’est bien humain, être incomplète ou erronée…
Enfin, acceptez (si votre situation le permet) des débuts de parcours non conventionnels. Combien de beaux parcours ont commencé par des expériences bénévoles longues, des voyages sacs au dos, des volontariats courte durée peu “prestigieux” qui ont permis de découvrir un environnement, une thématique, des pans d’un métier, pour rendre un profil plus complet, plus en proximité de son futur employeur ? On est en tout cas nombreux à OD à avoir commencé comme cela …
Comment être efficace ?
Pour que votre démarche de recherche d’emploi progresse, il vous faut la suivre, et l’analyser.
La tenue d’un simple listing de toutes vos candidatures, vous permettra de vous faire une idée, à partir d’une dizaine, des tendances, et d’où votre profil semble plus ou moins intéresser.
Cette démarche d’analyse peut être douloureuse car elle peut mettre en lumière que malheureusement, à ce stade de votre parcours, tel type de structure ne semble pas s’intéresser à vous. Douloureux certes mais utile car cela vous permettra d’en faire le deuil temporaire et de vous concentrer sur les univers où a priori on s’intéresse plus à vous.
Cette analyse doit également vous permettre de bien vivre les étapes (parfois lentes) qui mènent au succès une fois qu’on a commencé à passer le cap des entretiens : elle vous permet de voir la logique de progression (d’abord je ne vais pas en entretien, puis je commence à passer les premiers entretiens, puis je suis dans la short list…) sachant que cette dernière, lorsqu’elle est enclenchée, se solde toujours par un succès. Tout n’est alors que question de temps et d’opportunités.
Voilà pour nos 7 conseils de fin d’année !
Nous continuons de croire que les junior.es ont leur place dans l’ESS, que nombre de postes à pourvoir leur sont ouverts et que plein de structures employeuses ont plutôt intérêt à se porter sur ce type de profils à potentiel et à développer, qu’à s’évertuer à trouver le profil senior ultra capé qui, pour plein de raisons, n’est peut-être pas le meilleur « asset » dans leur équipe existante.
Gardez à l’idée qu’un bon recrutement n’est souvent pas celui du meilleur profil disponible, mais celui du profil le plus cohérent au regard de la situation de la structure … et que nombre de situations rendent possibles ou souhaitables le recrutement de profils juniors …
Nous espérons que ce petit papier vous donnera un coup de pouce dans vos recherches. N’hésitez pas à commenter.
Pierre Fournir et Jean Philippe Teboul pour l’Equipe d’Orientation Durable