Vous rêvez d’un job qui « a du sens » ?

Qui n’a pas rêvé de sauver le monde ? Qui n’a pas rêvé d’amener la paix dans des zones de conflits ? Qui n’a pas rêvé de résoudre certains problèmes sociétaux ? Rechercher du sens dans son activité professionnelle est tout à fait compréhensible. Vous pensez en trouver davantage dans le domaine de l’intérêt général ? Vous souhaitez franchir le pas et vous engager, non pas comme bénévole, mais en faire votre métier ? Vous avez peut-être raison ! Mais comme tout changement de poste et toute reconversion, cet engagement mérite un temps de réflexion.

Alors avant de vous lancer, prenez le temps de vous poser quelques questions qui vous permettront de vérifier si votre envie de vous engager est compatible avec vos souhaits et contraintes professionnels et personnels, et avec la réalité du marché du travail.

Les questions altruistes

Il n’y a pas de « bonnes réponses » aux questions qui suivent. Le plus important est de répondre en conscience, avec vos représentations et valeurs.

1 – QUELLES CAUSES SOUHAITEZ-VOUS PORTER ?

L’intérêt général recouvre un éventail très large de thématiques et de sujets. Toutes ne VOUS touchent pas de la même façon.

Vous êtes convaincu(e) qu’il faut aider les filles à aller à l’école dans les pays où elles n’y vont pas, vous êtes convaincu(e) qu’il faut soutenir la recherche médicale, vous êtes convaincu(e) qu’il faut aider à la réinsertion en sortie de prison, vous êtes convaincu(e) qu’il faut interdire les mines antipersonnel, vous êtes convaincu(e) qu’on peut lutter contre le décrochage scolaire… pour laquelle de ces causes souhaitez-vous vous battre ?

Listez les causes qui vous touchent vraiment, voire qui vous donnent un sentiment de révolte : identifiez celles qui vous donnent envie d’agir vous-même. Il est normal que certaines causes vous concernent plus que d’autres. Nous aimerions tous que tous les sujets s’améliorent pour l’humanité, mais certains sont plus touchés par la faim dans le monde, d’autres par le manque d’éducation, certains par les maladies, d’autres par la maltraitance des animaux… la liste est sans fin. Il n’y a aucun jugement de valeur à cela. Dans notre esprit toutes les causes se valent mais pas dans notre cœur.

Il est indispensable de déterminer celles qui vous importent vraiment. Pour faire le bon choix mais aussi pour convaincre votre futur employeur : dans l’intérêt général aussi, il y a des entretiens de recrutement. Votre recruteur est convaincu par « sa » cause, vous devrez le convaincre que vous embrasserez cette cause et la ferez vôtre.

2 – QUELLES FAÇONS D’INTERVENIR VOUS SEMBLENT LES PLUS PERTINENTES ?

Une fois que vous aurez identifié la ou les causes qui vous animent, il vous faut identifier le type d’intervention auquel vous souhaitez participer.

Quelles façons d’intervenir vous nourrissent intellectuellement, vous passionnent ou simplement vous semblent les plus efficaces ?

Voulez-vous changer le système ou privilégiez-vous les approches qui cherchent surtout à l’améliorer ?

Préférez-vous lutter de manière systémique (faire passer des lois) ou de manière locale (création d’une association qui agira localement) ?

Si l’on pense à l’échec scolaire, préférez-vous apporter un soutien scolaire, réformer les méthodes d’enseignement, créer des établissements de deuxième chance ?

La réponse à cette question vous aidera à déterminer le type d’organisation que vous souhaiterez rejoindre – ou créer.

LES QUESTIONS ÉGOÏSTES

Votre épanouissement professionnel est indispensable à votre efficacité. C’est important pour vous, pour votre employeur, pour ceux auxquels vous voulez apporter quelque chose.

Ces questions qui vous concernent personnellement, sont à prendre en compte avant toute candidature. Sans quoi vous ne serez pas en mesure d’aller au bout de votre démarche ou vous ne resterez pas longtemps dans votre futur poste. Dans l’ESS comme ailleurs, les bons salariés H/F sont les salariés heureux H/F.

1 – DANS QUEL TYPE DE STRUCTURE SOUHAITEZ-VOUS TRAVAILLER ?

Dans l’intérêt général comme partout, il y a des petites structures et des grosses structures, des organisations stables et sécurisantes et des start-up stimulantes, des organismes publics et des organisations privées, etc.

Vous aimez toucher à tout, vous voulez tout voir, vous aimez les structures très mobiles ? Privilégiez les petites entités. Ou au contraire vous aimez pouvoir vous consacrer entièrement à votre propre champ de compétence et vous souhaitez vous intégrer dans une stratégie stable et un fonctionnement bien huilé ? Privilégiez les plus importantes.

2 – QUELLE FONCTION VOUS CORRESPOND ?

Oubliez un instant votre souhait de postuler dans le domaine de l’intérêt général. Si vous n’aimez pas faire de l’audit dans le secteur privé, il y a peu de chances que vous aimiez l’audit social ou environnemental, même si «c’est pour la bonne cause ». Ce raisonnement vaut pour tous les métiers, sans exception.

Dans l’intérêt général comme ailleurs, on a besoin d’informaticiens et de responsables des ressources humaines, de comptables et de chargés de communication…

Réfléchissez aux postes que vous aimeriez occuper :

Quel environnement ? un bureau ? au contact du public ? en France ? à l’étranger ?

Avec quel type d’interlocuteurs ? De nombreuses relations extérieures ou plutôt des relations internes ? Avec des interlocuteurs haut placés ou avec des acteurs du quotidien ?

Quelles sont les tâches que vous n’aimez pas faire ? Quelles sont celles que vous aimez faire ?

Souhaitez-vous pouvoir mesurer immédiatement l’effet de vos actions ou assumez-vous des effets moins directs ?

Ne tricotez pas à l’envers. Ne visez pas, sous prétexte de « faire le bien » ou « trouver du sens », un poste qui au quotidien ne vous apportera aucun bien-être. Vous ne tiendriez pas longtemps.

3 – QUEL EST VOTRE SALAIRE MINIMUM ?

Le salaire, quel sujet délicat ! Attention au sur-optimisme du début de carrière dans l’économie sociale et solidaire, dû à une telle envie de changement que « le salaire n’est pas si important que ça ».

S’il n’est pas la priorité, il n’en est pas moins un critère essentiel pour tenir ses engagements sur la durée.

Le salaire avec lequel vous serez épanoui.e dépend de beaucoup d’éléments compliqués à changer : votre éducation et même celles de vos parents !

L’honnêteté de votre réponse sera récompensée, croyez-nous.

Pour cela, interrogez-vous :

Quelle somme vous faut-il pour subvenir à vos besoins et pour VOUS SENTIR BIEN ?

Commencez par calculer vos besoins vitaux et vos besoins non vitaux : physiques, psychologiques, familiaux, religieux, sportifs, intellectuels, de divertissement… Prenez aussi en compte combien vous souhaiteriez mettre de côté par mois ou même de combien vous avez besoin pour décompresser (week-ends, vêtements… à chacun sa méthode). Et dans 5 ans ? de combien aurez-vous besoin ?

Vous connaissez alors votre salaire minimum.

Vous pouvez bien sûr décider de changer de mode de vie à condition que celui-ci soit mûrement réfléchi et que ce choix soit aussi porté par ceux qui en percevront les conséquences (votre famille).

Pour faire gagner du temps à tout le monde, ne postulez pas à des offres en-dessous de votre salaire minimum ! Et n’hésitez pas à appeler l’employeur si le salaire n’est pas affiché sur l’offre.

LES QUESTIONS PRATIQUES

Ces questions vous aideront à confronter vos aspirations et vos besoins personnels aux aspects beaucoup plus « pratiques ».

1 – QUELLE DISTANCE ENTRE VOS COMPETENCES ET VOTRE FUTUR METIER ?

Avez-vous les compétences pour exercer un des métiers qui vous passionnent ?

Dans le cas contraire, pourriez-vous reprendre une formation ? Avez-vous besoin à tout prix d’une formation diplômante/certifiante ou apprendre par vous-même via des tutos ou des Moocs par exemple est-il suffisant ?

En dernier recours, revenez à la traditionnelle liste de compétences et de postes que vous pourriez occuper et filtrez selon vos préférences.

Si vous ne souhaitez pas changer de vie, vous serez plutôt dans le cas d’une « reconversion de compétences ». Par exemple, le poste de « Responsable logistique » dans une ONG ressemble beaucoup au poste de « Responsable des Services Généraux » d’une entreprise privée.

2 – QUELLE EST LA TENDANCE DU MARCHE DE L’EMPLOI SUR LE POSTE VISE ?

Lorsque vous vous lancez dans la recherche d’un poste, que ce soit dans l’Economie sociale et solidaire (ESS), dans le public ou dans le secteur privé, connaître la réalité du marché professionnel est indispensable.

Voyez-vous beaucoup d’offres et à quelle fréquence apparaissent-elles  ?

Pour connaître la récurrence de parution d’offres d’emploi, faites un tour sur les sites de recherche d’emploi, cela vous permettra de savoir s’il s’agit d’un poste qui est fréquemment recherché ou au contraire s’il s’agit d’un poste rare.

Par exemple :

Un poste fréquent : Chargé de communication H/F

Des postes plus rares : Responsable Juridique H/F, Directeur Immobilier H/F, Chargé de plaidoyer H/F

3 – COMBIEN DE TEMPS AVEZ-VOUS A CONSACRER A VOTRE FUTUR EMPLOI ?

Dans le cas d’une reconversion professionnelle dans l’intérêt général qui nécessiterait de reprendre une formation :

Seriez-vous prêt par exemple à sacrifier une à deux soirées par semaine après le travail pour suivre des cours au CNAM ?

Pouvez-vous vous permettre de ne plus travailler pour étudier pendant une ou plusieurs années ? (ce sera peut-être nécessaire si le poste visé est loin de votre poste / formation actuel)

Et si vous êtes en poste notamment :

Etes-vous disposé à prendre sur votre temps libre pour votre recherche d’emploi ? Combien de temps ?

4 – QUEL MONTANT ETES-VOUS PRÊT A INVESTIR POUR VOTRE RECONVERSION PROFESSIONNELLE ?

Pour s’orienter dans l’intérêt général et construire un projet professionnel réaliste, il est nécessaire au préalable d’établir votre budget de reconversion professionnelle.

En effet, une reconversion professionnelle nécessite parfois d’avoir un peu d’argent de côté et particulièrement une reconversion professionnelle dans l’intérêt général : que ce soit pour se former, pour pallier le manque à gagner si vous passez par la case chômage, ou pour compenser un salaire un peu moindre au démarrage… Pour cela, ayez conscience de l’état de votre épargne et posez-vous la question de la somme dont vous disposez. Tout cela est du bon sens.

Prenons un exemple drastique pour comprendre la logique : si vous voulez devenir médecin, pouvez-vous suivre 9 ans d’études pendant lesquelles vous n’aurez quasiment aucune rentrée d’argent ?

CONCLUSION

Il est temps maintenant de comparer vos réponses aux questions « altruistes » avec celles des questions « égoïstes » et « pratiques ». Vous avez certainement déjà une meilleure vision de ce qui pourrait vous correspondre ou non : quelle cause, quelle structure, quel type de fonctions, quelles conditions de travail… Pour quelle fonction, quelle cause et avec quelles conditions pourriez-vous, de façon réaliste, changer pour un emploi qui « a du sens » ? Et est-ce le bon moment pour une telle reconversion ?

Et si la réponse est non ?

Si la réponse est non, ne lâchez pas pour autant les causes qui vous tiennent à cœur ! Il vous reste deux possibilités : faire vivre votre engagement au sein de structures qui ne sont pas de l’ESS (et si vous êtes déjà en poste, au sein de votre propre structure), faire vivre votre engagement par le bénévolat. Le mariage de votre engagement et de vos contraintes se trouve peut-être dans le fait d’influencer votre employeur actuel.

Les associations d’intérêt général recourent au bénévolat. Bénévolat auprès du public ou pour renforcer les compétences d’une équipe, engagement ponctuel ou régulier, en semaine ou le week-end, en présentiel ou à distance… les possibilités ne manquent pas et les plateformes de mise en relation en ligne entre les associations en recherche de bénévoles et les personnes qui souhaitent s’engager se multiplient.

Et si la réponse est oui ?

Si la réponse est oui, c’est que vous avez réussi à passer de « Je vise un poste avec du sens », qui est une fort jolie question sans réponse à « Je vise tel ou tel poste précis dans l’intérêt général ».

Félicitations. Vous n’avez plus besoin de cet article et pouvez fermer cette page.

Bonne chance !

Les rédacteurs

Claire de Mazancourt et Marc Germanangue pour l’Institut de l’Engagement.

Laetitia Nauleau et Jean-Philippe Teboul pour Orientation Durable

Mathilde Forget pour Bilan de sens.

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