A Orientation Durable, il est plutôt mal vu de répéter à longueur de journée que la planète compte beaucoup à ses yeux. Ici, nous ne regardons pas de biais celui qui revient du McDonald’s et nous n’exhibons pas le thé bio et le chocolat équitable du coin cuisine comme autant de preuves de notre « cohérence ». Nous ne répétons pas non plus en préambule de toute newsletter que la solidarité, le respect, la tolérance et la liberté sont des valeurs très importantes à nos yeux.
La raison en est simple : Tapez « valeurs développement durable » dans Google et figureront en première page : Siemens, Areva et PWC. Il est possible que les budgets de communication dédiés aient influé ces résultats. Aujourd’hui, celui que l’on entend le mieux est uniquement celui qui a les meilleures équipes de communication.
Nous n’avons pas non plus demandé à l’Etat si nous sommes solidaires. Ce fut tentant. La définition étatique d’activité socialement utile est élastique (soutien à des publics vulnérables, cohésion territoriale ou développement durable) et le plafond de rémunération maximale autorisée (14 575 Euros brut par mois, soit pas plus de un Rolex Cellini mais jusqu’à trois Rolex Oyster Perpetual) semble permettre de survivre.
Mais éviter de trop dépendre de la puissance publique pour mieux l’influencer nous semble justement nécessaire à l’application de nos valeurs.
Car c’est bien d’application qu’il s’agit. La cohérence est affaire privée et professionnellement c’est l’influence qui compte. Et nous avons depuis longtemps trouvé l’aune à laquelle nous juger, la règle du « avec ou sans nous ».
LA REGLE DE « AVEC OU SANS NOUS »
Cette règle est très simple : vous voulez savoir ce qu’apporte un acteur à la Société ? Retirez-le !
Imaginez ce qu’il se passerait si l’acteur n’était plus là. Quelle que soit la joliesse de l’action d’une association, d’une entreprise ou d’une personnalité, imaginez le monde sans elle. Quelqu’un prendra-t-il son rôle ? L’Etat reprendra-t-il son rôle ? Alors, apporte-t-elle quelque chose de nouveau socialement ? Environnementalement ?
Sans Nicolas Hulot en 2007, pas d’entrée de l’écologie dans le débat des présidentielles, sans Nature et Progrès, moins de bio et d’agriculture raisonnée, sans Veja, le commerce équitable ne serait plus du tout tendance (oui être tendance est un enjeu quand on veut changer le Monde), sans le Rire Médecin, une prise en compte moins holistique de tout traitement et sans Sherpa, pas de jurisprudence sur les dommages sociaux des filières à l’international…
C’est en suivant cette règle que nous nous interrogeons sur notre projet depuis sa création. Nous avons même appris à éviter les faux amis.
L’ESS EST NOTRE CIBLE
Le fait de recruter pour Oxfam, Emmaüs ou le Relais ne fait PAS de nous une entreprise solidaire.
Si nous disparaissons demain, un autre acteur prendra notre place. Il y a aujourd’hui un marché, il y aura des entreprises. Ceci n’enlève rien à notre mérite pionnier (nous sommes par ailleurs pour la prétention) mais notre carnet de commande n’est pas et ne doit jamais être une qualité en elle-même.
Cette hypothèse représente même une angoisse à nos yeux. Notre première peur est de devenir un jour un baron de l’ESS de plus. Un acteur qui eut été utile et existe encore par résistance institutionnelle et égos cumulés. Un acteur qui tient surtout à son pré carré et devient au final… un frein au changement.
RECRUTER EST NOTRE METIER
Une phrase nous rend fiers : « trouver des gens susceptibles de s’épanouir sur le poste » . C’est notre devise interne et même notre mantra du fait de sa récurrence en réunion. Notre rôle n’est pas de trouver des candidats H/F qui acceptent tous les aspects d’un poste, mais des candidats qui ont besoin de ces aspects pour leur épanouissement personnel. Il nous arrive par exemple de recruter dans des situations RH conflictuelles, nous recrutons alors des personnes qui recherchent cette adrénaline.
Ceci fait-il de nous une entreprise solidaire? Non plus.
Une entreprise solidaire n’est pas juste une entreprise qui « fait bien son boulot ». Lui donner cette dimension, c’est nier toute dimension politique à l’Economie Sociale et Solidaire, toute réflexion. C’est la tuer.
Etre une entreprise de l’ESS exige la volonté d’aller plus loin que la Société.
AMELIORER LA DIVERSITE DANS L’ESS EST NOTRE PROJET
La diversité dans l’ESS est catastrophique. Fils de cadres ou fils de professeurs…. ce secteur est aussi homogène qu’un public matinal de France Inter. Ceci est grave car pour paraphraser Tarik Ghezali, « on ne peut pas changer une Société à laquelle on ne ressemble pas ».
Comment changer cette situation sans privilégier une personne au moment de l’embauche pour d’autres critères que ses compétences? Il est nécessaire que les candidats F/H ressemblent plus à la France dans sa variété. Il s’agit donc pour commencer d’échanger avec les candidats issus de milieux sociaux qui ne travaillent pas aujourd’hui dans l’ESS et d’adapter la rédaction de nos offres et nos sourcings. Il est ensuite nécessaire d’échanger avec nos clients sur les risques et attraits de salariés qui leur ressemblent moins. Cette démarche est détaillée dans l’appel que nous avons lancé : www.orientationdurable.com/appeldiversite mais nous sommes conscients que le premier de nos chantiers est chez nous. Nous pourrons donner des leçons ensuite.
Ceci est notre projet pour quelques années, notre valeur ajoutée. Ce que nous sommes susceptibles d’apporter à la Société. Notre « avec ou sans nous ».
RODRIGUE, AVONS-NOUS DU COEUR ?
Nous dévouons nous à un avenir meilleur pour tous ou à un avenir meilleur pour nous-mêmes personnellement ? Sommes nous une entreprise solidaire ? Sommes nous dignes de l’ESS ? Sommes nous valables ?
Oui…. pour l’instant.
Nous sommes aujourd’hui très fiers de travailler à Orientation Durable mais si demain, nous n’avons pas fait avancer la diversité, nous le serons moins.
La vraie noblesse, c’est d’être supérieur à celui que vous avez été auparavant.
Ernest Hemgingway