Lançons le débat !

Et si le premier facteur de mal-être professionnel dans l’Economie Sociale et Solidaire était l’incapacité de nombre de dirigeants à traduire l’intérêt général en objectifs concrets ?

Cassons un préjugé : Travailler dans l’intérêt général ne fait pas le bonheur, ou plus précisément… cela n’y suffit pas. La liste des nouveaux déçus grandit chaque année. « Ils auront tenté ». Jeunes diplômés comme cadres expérimentés, ils auront rejoint un bataillon du bien avant de rallier les légions de la frustration professionnelle.

Au risque de décevoir les plus idéalistes, il est temps d’affirmer que l’épanouissement professionnel répond aux mêmes règles dans l’ESS qu’ailleurs.

D’une part, il faut que tous les indicateurs soient au vert : métier exercé, statut social et salaire doivent correspondre aux attentes de chacun, comme partout.

D’autre part, le management doit fixer des objectifs communs clairs. Et l’on verra dans cet article qu’à cette aune, le management de l’ESS représente à la fois plus de leviers et plus de dangers.

LE FLOU, VOILA L’ENNEMI

Le principal risque encouru par les dirigeants de structures dans l’ESS, qu’ils soient salariés ou bénévoles, est de mettre au-dessus de tout l’adhésion aux valeurs comme un grand tout non défini.

Cette croyance nettement répandue va parfois même à l’encontre de la conformité avec le droit, et plus spécifiquement le droit du travail. Combien d’associations se sont vues épinglées sur la place publique pour le dépassement des horaires de travail légaux, la non rémunération des heures supplémentaires, l’absence de mise en place des instances représentatives du personnel…Plus concrètement, combien d’emails demandant de venir tenir un stand le week-end « en tant que militant » ?

Ainsi émerge un paradoxe pour des organisations qui luttent contre le non respect du droit des personnes exclues, qu’elles le soient par le handicap, la pauvreté, les préjugés, la vieillesse, la maladie…mais qui font fi des droits de leurs propres salariés.

L’une des conséquences de ce flou, parfois observée, est l’avènement de situations de communication problématiques entre salariés, tous niveaux confondus. Les interactions deviennent conflictuelles et des jeux d’acteurs se créent. Les salariés peuvent endosser la posture de sauveur, de victime ou de persécuteur selon les évolutions contextuelles.

Des phénomènes de souffrance au travail naissent alors… et elles sont plus dures à vivre pour le salarié qu’ailleurs.

En effet, le salarié est attaché à sa structure et l’on constate souvent une dépendance émotionnelle à ce que cette appartenance lui confère. Il est reconnu pour ce choix « louable », « charitable », dans sa sphère privée. Cette spécificité professionnelle le définit en partie socialement. Il est l’ami qui bosse chez les gentils parfois moqué toujours un peu admiré «toi, tu n’as pas fait le choix de l’argent ».

Il est d’autant plus difficile pour lui non seulement de quitter son emploi et surtout l’univers de l’ESS mais même d’accepter de se sentir mal professionnellement.

Le burn out, présent dans les entreprises où la pression est très forte, a sa spécificité dans l’ESS. La pression n’est ici pas d’ordre commercial, ni en lien avec la rentabilité mais vient de la posture du « salarié-sauveur » qui nie ses limites pour dépasser son champ initial d’intervention, persuadé qu’il le fait au nom d’une juste cause.

QUANTIFIER LE PROJET SOCIAL

Pour favoriser l’épanouissement professionnel des salariés, l’organisation et l’efficacité doivent être des moyens mis au service du projet associatif. Le projet social doit être quantifié.

Les discours qui visent à classer la notion de résultat dans le camp de l’argent ou de l’entreprise ne sont rien d’autre que des cache-misères. Politique comme caritatif, tout projet peut se décliner en objectifs et sous-objectifs et être traduit en feuilles de route :

  • par la réalisation de programmes pour les instances de direction
  • par l’évaluation des projets avant d’en débuter de nouveaux pour éviter le syndrome d’épuisement et de perte de vision globale
  • par l’adéquation entre les ambitions affichées par le projet social et les ressources allouées (humaines, financières, matérielles…).
  • par l’attention portée au bien-être des salariés : respect du droit, conception de parcours, convivialité…

L’organisation est le cadre qui créé de la continuité tout en donnant aux salariés une sensation de liberté qui leur permet de cultiver leur créativité et leur autonomie d’action dans leur périmètre de compétence.

Les structures de l’ESS ne pourront que mieux promouvoir leur système de valeurs et leur vision sociétale si elles s’assurent que les conditions sont réunies pour l’épanouissement professionnel de leurs salariés.

Les valeurs prônées par les dirigeant(e)s de l’ESS ne les absolvent pas de concevoir et décliner leur projet en fixant des objectifs clairs et partagés aux équipes, elles les y obligent.

Auteurs : Juliette Le Lay (Emmaüs France), Khanh Picard, Charles Thibault, Jean-Philippe Teboul (Orientation Durable)

 Alors, on en parle ?

Un commentaire sur “Le mal-être professionnel dans l’ESS : on en parle ?

  1. Comme dans chaque acte de la vie, dans tout travail la personne doit se sentir Reconnue en tant qu’Etre utile qui donne sens à sa Vie et à son emploi… sans cela la personne perd pied et dérive dans le mal-être …
    L.E

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